Ce témoignage fait suite à une séance de thérapie médiatisée par le cheval pour une personne qui souhaitait utiliser le média cheval pour se reconstruire suite au décès de son papa.
C’est avec son accord que je le publie, je l’en remercie.
Il est 9h du matin et il fait super chaud sur Nouméa. L’Eté austral arrive à grands pas ! Ce matin, j’ai rendez-vous avec un étalon, de 25 ans !! Seul petit bémol : je ne peux pas porter ma plus jolie robe et mes plus fines sandales, mais plutôt un bon vieux jean, un t-shirt et les shoes de rando ! Sécurité oblige ! 😉
Me voilà devant le ranch de l’Association des Cavaliers de Nouville. Il fait chaud et sec. Je monte l’allée me demandant ce qui m’attend durant cette matinée. Mais je suis d’un caractère plutôt curieux et surtout appelée par cette thérapie équine, en tant que thérapeute moi-même mais aussi en tant que patiente. Ce doit être un peu la même chose pour les personnes qui viennent me voir pour la première fois en Aquarelax. Tant de questions dans leur tête : “Que va-t-il se passer durant cette séance ?”, “Comment ça marche ?” Benjamin Bernard, l’Equithérapeute, m’accueille tout sourire.
Nous nous dirigeons vers le paddock où m’attend mon beau Sirocco : 1m65 au garrot, pour 350 kg de muscles, à la robe chocolat au lait et au doux regard brun et velouté. La prise de contact se fait doucement. Je me présente, je lui parle doucement, je le laisse me sentir les mains, je lui demande s’il est ok pour travailler avec moi ce matin. Sirocco continue de paître son herbe délicieusement grasse et se laisse caresser, approcher. Benjamin m’explique alors que la séance va se décomposer en deux temps. D’abord, le temps de la prise de contact qui a lieu ici, dans le paddock où Sirocco prend du temps pour lui en mangeant et où je vais lui donner de la douceur. Puis ensuite, nous nous rendrons dans un lieu plus spécifique, aménagé pour le travail : la carrière.
Benjamin me présente alors différents ustensiles de toilettage et de bien-être équins : la brosse douce à visage et son éponge, le cure-sabots, la brosse pour enlever la poussière en massages circulaires (étrille en caoutchouc), la brosse pour le corps (bouchon), … Je n’ai que l’embarras du choix pour dorloter mon cheval et entrer doucement en relation avec lui. Sirocco ne semble pas indifférent à mon questionnement sur le choix de l’ustensile adéquat et s’approche pour me montrer du bout de son nez le “kit visage” ! Ah, monsieur souhaite de la douceur ! C’est alors que commence mon approche plus tactile de Sirocco. Je commence timidement à essayer de lui brosser le visage, mais pas super facile quand monsieur a décidé de continuer à se gaver de l’herbe tendre de son paddock … Je passe rapidement à la brosse circulaire en caoutchouc pour lui masser le corps et lui enlever poussières et vieux poils d’hiver. J’adore masser et du coups ce moment est également un profond moment de douceur et de bien-être pour moi aussi. Ce qui n’a pas l’air de lui déplaire. Je le suis, à son rythme, le laissant paître goulument son herbe. Un bel échange se met alors délicatement en place. Je me sens bien, juste là, ici et maintenant, avec mon ami du moment. Et tous mes questionnements d’avant séance s’estompent, s’envolent. Je suis là. JE SUIS.
C’est alors que Benjamin me dit qu’il nous laisse tranquilles un moment, qu’il nous laisse cet espace pour échanger. Mais que vais-je bien pouvoir raconter à mon cheval moi ? Je croyais que j’allais pouvoir échanger avec le thérapeute … à moins que ce ne soit Sirocco le thérapeute ? Je laisse faire et j’arrête surtout de trop me poser de questions … Benjamin n’est pas loin et veille au grain, toujours de manière bienveillante. Je me sens bien après tout avec Sirocco et continue de le suivre, à son rythme, le papouillant et changeant d’ustensile. Le contact est là. Le corps de Sirocco est tout chaud et je peux sentir sa respiration sous mes mains. Il a l’air si tranquille, si apaisant. Moi aussi, je me sens apaisée pour le coups. Vraiment, oui.
Et puis, c’est alors que Benjamin pose LA question, sur LE sujet pour lequel je suis venue en thérapie (car il ne faut pas l’oublier : j’avais un sujet de travail derrière ma curiosité holistique …). “Tu m’as confié que tu as perdu ton papa il y a quelques mois. Comment te sens-tu aujourd’hui par rapport à cela ? Où en es-tu ?” … Et moi, avec mon mental qui rebondit plus vite que la lumière, je réponds tranquillement à Benjamin : “Ça va plutôt bien. Je me fais accompagner par une Psychothérapeute et j’avance plutôt bien.” … silence … Bien-sûr que “ça va mieux” aujourd’hui … bien-sûr … Mon père s’est suicidé en avril dernier. C’est toujours plus difficile pour ceux qui restent derrière, c’est sûr. Lui, il a choisi. Mais je ne peux occulter les souffrances qui l’ont mené à son acte, à sa décision. Même si je “sais’, même si e “sens” qu’il est mieux là où il se trouve, aujourd’hui. Même si je le vois en rêves, même si je me sens connectée à lui. “Putain” qu’il me manque ! Et puis, “putain” de boule toujours présente, là, dans mon Plexus Solaire, en haut de mon diaphragme. Et là, comme “par hasard”, elle se fait ressentir hyper fort et je me remets à respirer “à moitié”. C’est dingue comme l’Humain excelle dans l’art du camouflage de ses émotions ! Dingue ! Et puis, c’est alors que la chaleur de la peau, la chaleur du corps de Sirocco monte à travers mes mains, à travers mes bras, pour envahir mon Coeur et mon Plexus Solaire, et toucher cette “putain” de boule que je n’arrive pas à évacuer dans sa totalité. Et je me mets à pleurer comme un bébé, tout en continuant minutieusement, de caresser Sirocco, comme lorsque je caressais mon doudou, pour me rassurer, lorsque j’étais petite fille. C’est alors que Benjamin, avec bienveillance et pudeur, nous donne encore un peu plus d’espace à Sirocco et moi, sans poser plus de questions. Il n’a fait qu’amorcer subtilement un processus qui va durer et infuser tout au long de la séance. Je sens la qualité de l’énergie qui circule entre Sirocco et moi changer. Je sens un lien invisible se former, doucement, à nos rythmes. Ce temps de mise en relation est définitivement essentiel. Je sais que Benjamin est là, présent, non loin, prêt à intervenir au moindre souci. Sirocco est paisible, juste là, à mes côtés, sans chercher à me fuir et me laissant lui coller les mains dessus, et pleurer à ses côtés. Il est juste présent. Il fait le tour de son paddock, et moi avec, lui broutant et moi lui confiant mon chagrin. Nous échangeons de temps en temps des regards et il continue sa mastication et son tour minutieux du paddock. Et moi ? Je me vide. Et je me sens mieux, plus apaisée avec la boule du plexus évacuée. Il est là, il EST, tout simplement. Il EST AVEC moi, comme moi je SUIS AVEC mon receveur, en Aquarelax. ÊTRE AVEC ; notion que nous avons tellement tendance à oublier dans notre société au rythme effréné et à tendance individualiste parfois !
Puis, doucement et très respectueusement, Benjamin nous propose de passer dans le second espace de la séance : l’espace de travail. Il me passe alors le licol et la longe et me rappelle comment les installer délicatement sur la tête de Sirocco. Il me laisse faire et je suis pleinement actrice de ma séance. Je suis ACTRICE de ma thérapie. J’aime ça. Liberté conjuguée à sécurité. Je FAIS et j’avance, et Sirocco me suit, tranquille, délaissant pour quelques minutes, sa tendre herbe délicieusement grasse. Le contact est bel et bien établi. Le lien est là. C’est clair.
Nous nous dirigeons tranquillement vers la carrière de travail. Benjamin me présente alors l’espace de travail de Sirocco, aménagé de plots, modélisant un circuit. Puis, il m’invite à conduire Sirocco, autour de la carrière, en lui laissant de l’espace, en tenant la longe moins serrée (ma main plus éloignée de son museau). J’aime l’idée : laisser de l’espace à un individu libre par essence. Puis, je suis autorisée à ôter la longe de Sirocco et à ne le conduire que par ma gestuelle et mon regard. Le lien étant clairement établi entre lui et moi : il me suit dans ce circuit et autour de la carrière. Son regard est super profond et je peux le sentir pleinement à mon écoute. Benjamin, l’espace de quelques instants, n’existe plus. Il n’y a plus que mon cheval et moi, en lien direct par notre regard et par nos énergies propres. Le contact est clairement établi entre nous. Sirocco me VOIT comme moi, je le VOIS (cf le film AVATAR, de James Cameron). Intensité des regards, inutilité des mots ou des ordres. Nous évoluons tous deux dans le circuit, défini par des plots, que Benjamin me propose d’emprunter, comme bon me semble. J’aime cette liberté de mouvements et d’évolution. Sirocco et moi évoluons en zig-zagant entre les plots et il me suit, yeux dans les yeux parfois, à l’écoute de ma gestuelle ou du mouvement que j’impulse via mon corps.
Vient alors le moment de la “danse”. Benjamin me tend un instrument que j’ai uniquement vu dans les spectacles de cirque : une sorte de fouet, qui n’en est pas un mais qui est simplement considéré comme un prolongement de mon corps et surtout comme un signal de mise en mouvement pour le cheval : la chambrière. J’essaye dans un premier temps sans cet ustensile, en essayant de rentrer énergétiquement parlant dans la bulle de Sirocco (qui peut contenir en volume jusqu’à 5 chevaux). Force est de constater que je ne sais pas me montrer aussi convaincante que si j’étais l’un de ses congénères pour amorcer un jeu et du mouvement. Sirocco me regarde, immobile, interdit, avec deux gros points d’interrogation dans ses grands yeux veloutés. Du genre : “Mais qu’est-ce-qu’elle veut que je fasse ????!!”
Me voilà donc, telle une dresseuse de chevaux, brandissant maladroitement la chambrière, à la seule vue de laquelle, Sirocco amorce un superbe galop, oreilles dressées, regard enjoué, à ma grande surprise !! Benjamin m’invite alors à lâcher la chambrière et à courir aux côtés de Sirocco, légèrement à l’arrière, afin d’entretenir le mouvement. Et c’est là, que je connecte la petite fille intérieure, qui court, libre, avec les chevaux ! Les grandes plaines de l’Ouest ne sont pas si loin finalement ! 😉 Mais que c’est bon ce mouvement de Vie !! Après les larmes du chagrin, place aux éclats de rire de la joie enfantine liée au temps du jeu ! 😀
Puis, arrive le dernier temps de la séance : celui de la relax ! Me voilà, montant à dos de Sirocco, non pas sur une selle avec des étriers, mais sur un doux tapis, sans étriers et non pas à l’endroit, mais à l’envers ! Si si si !! Voir le monde sous un autre angle ! J’ADORE de plus en plus cette séance qui bouscule de fond en comble mes repères et mes habitudes ! Me voilà assise, presqu’à crue, à l’envers, le visage à l’opposé de celui de ma monture, tenant à la seule force de mes cuisses, levant les bras, tour à tour, posant mes mains sur ma bombe, ou les dressant vers le ciel, et Sirocco, marchant au pas, doucement, tournant à droite, tournant à gauche, guidé de prêt par Benjamin dont j’écoute les consigne de posture (replacer mon bassin, redresser mon dos, regarder droit devant, …). Je peux ressentir alors le léger et doux balancement de mon bassin qui, en-dehors de tout repère, et hors contexte, me reconnecte à celui de ma maman lorsqu’elle était enceinte de moi ! Autre point commun avec l’Aquarelax : la reconnection à la matrice originelle. Et mon bassin, s’équilibrant doucement à ces mouvements, se met en harmonie avec la marche de mon cheval, dénouant ses tensions les plus profondes (notamment celles de mes Psoas, qui respirent alors d’une toute autre manière !).
Puis, Benjamin arrête Sirocco et me propose de m’allonger sur sa croupe (mon bassin au niveau de son encolure). Et là : QUE DU BONHEUR !! Mon ventre (mon Utérus, plus exactement) et mon Coeur sont collés, peau à peau, à la grosse peluche de 350 kg qu’incarne Sirocco. Et je peux sentir alors sa respiration, dont les va-et-vient entraînent tour à tour l’ouverture et la fermeture des os de mon bassin, massant tout l’intérieur de cette zone si facilement remplie de nos émotions enfouies et de nos tensions. Mais que c’est bon !! Je peux même ressentir ma symphyse pubienne respirer ! Sensation peu courante somme toute ! Je me sens entre 2 eaux et pousse alors de profonds soupirs de détente. Sirocco fait de même, semblant lui aussi profiter de cet échange relaxant. 🙂 Et ma détente se prolonge un peu plus, dans la chaleur de l’animal, à l’écoute tactile de sa respiration si rassurante. Je ferme les yeux, suspendue, là-haut, au chaud, mes 2 bras et mes 2 jambes pendants sur les flancs de ma monture si calme, si apaisante, si relaxée. Benjamin est là, dans le silence et le respect de ce temps intemporel partagé entre deux espèces animales différentes. J’ai moi-même l’impression de me liquéfier, sur le dos de Sirocco qui se détend un peu plus lui-même. Je suis juste PARFAITEMENT BIEN. JE SUIS.
Puis, s’en vient l’heure de clôturer la séance. Calmement. A mon rythme et à celui de Sirocco. J’aime ça : respecter le rythme du cheval. Benjamin me laisse alors descendre de ma monture, que je remercie profondément et respectueusement. Sirocco est si calme, si détendu. Caresses, pain dur et mots doux sont de mise, dans l’intimité de notre bulle.
Puis je ramène Sirocco à la douche ! Et voluptueusement la lui donne. Que j’ai envie de me joindre à lui sous le jet d’eau ! Puis retour au paddock à l’herbe délicieusement grasse ! Sirocco s’y roule de plaisir ! Benjamin me laisse lui dire au-revoir, à mon rythme. J’ai encore des montées de larmes, mais pas de chagrin, plutôt de gratitude. Oui. Regard profond de Sirocco. Nana, Sirocco ! A bientôt, c’est sûr ! 😉
Quel beau travail ! Quelle belle séance ! Quel immense espace de libération thérapeutique pour tellement de soucis ou de pathologies plus ou moins profondes et lourdes ! Avec tellement de perspectives et de champs des possibles !
Durant la séance, entre deux états émotionnels, je n’ai cessé de penser à tel ou tel champ d’application : autisme, handicap physique, handicap mental, dépression, deuil, rupture (amoureuse comme sociale) mais aussi burn-out ou encore violences physiques, violences sexuelles, ré-apprivoisement de son corps de femme durant un début de grossesse difficile ou post-partum (notamment avec le balancement utérin contre le bassin du cheval).
Longue vie à l’Equithérapie !